
Placardisation Vaud
Interview
mobbingvaud.ch
Interview
Entretien avec une personne qui a été mobbé, placardisée dans le secteur publique vaudois et qui a été d’accord de témoigner de manière anonyme
D’une manière générale, dans votre entreprise, vous êtes-vous senti compris lorsque vous avez communiqué à vos collègues que vous étiez placardisé ?
Réponse:
Pas du tout. Les personnes autour de moi ne comprenaient pas que je puisse me plaindre. Elles me disaient : « mais fait ton travail et arrête de te plaindre, c’est déjà bien d’avoir un travail. Et puis si tu n’es pas contente, tu n’as qu’à démissionner » . Que si quelque chose n’allaient pas, je ne devais m’en prendre qu’à moi-même.
De mon côté je constatais que mes responsabilités avaient été réduites au maximum. Que mon employeur recherchait toutes les ficelles et raisons pour me dénigrer et que je démissionne. Que mes tâches étaient totalement en inadéquation avec le grade de mon poste, que j’étais au quotidien fortement inoccupé. Je me sentais sous-estimé dans mon travail. Je sentais que mon employeur voulait que je quitte mon poste sans me payer mes indemnités de départ. Il souhaitait que je démissionne et que je reparte sans aucune contre-partie financière.
Quelles ont été les séquelles que cette situation de placardisation ont eu sur votre santé ?
Réponse:
Une montée importante des angoisses. Une baisse de ma confiance en moi. Une tristesse de me sentir bloquée professionnellement à un poste car je ne trouvais pas un autre poste sur le marché de l’emploi.
Qu’avez-vous ressenti au plus fort de la placardisation et du mobbing ?
Réponse:
Des envies d’en finir avec la vie.
Comment avez-vous traité votre situation : avez-vous décidé d’aller vous plaindre au Tribunal ? Ou avez-vous opté pour démissionner simplement ? Ou avez-vous décidé autre chose ?
Réponse:
Me plaindre au Tribunal : la procédure est trop longue et douloureuse, et mon employeur avait malicieusement préparé son coup pour ne pas être attaqué. La placardisation c’est une manière pour l’employeur de régler son compte à un employé non désiré sans que cela puisse concrètement se prouver.
L’autre possibilité est que je démissionne : seulement, je n’arrivais pas à trouver un autre poste au même salaire. Il était exclu que je démissionne sans avoir un poste à la suite.
J’ai opté finalement pour une autre solution : me rembourser. C’est-à-dire utiliser le présentéisme que mon employeur m’imposait afin d’avancer sur des projets personnels professionnels et privés. Et faire durer cette situation aussi longtemps que je l’estimerai nécessaire.
De cette manière j’acceptais le présentéisme que mon employeur m’imposait, le déclassement dans mes tâches quotidiennes, en contre partie de vivre ce temps à disposition et l’utiliser à faire avancer des activités ou des projets que j’estimais constructives dans ma vie.
Et l’employeur n’a rien vu ? Il était d’accord avec cette manière de faire ?
Réponse:
Mon employeur pensait que j’allais craquer psychologiquement et déposer ma démission. Il ne s’attendait pas à ce que je tienne le coups 8 années. Il me savait bien entendu sous-occupé et attelé à des tâches qui ne correspondaient pas à mon cahier des charges. Mais dans le même temps, cela ne le dérangeait pas ne me voir dans cette situation.
Lorsque vous avec optez pour la solution de vous « rembourser » vous êtes-vous senti compris par votre entourage social et amis ?
Réponse:
: Non. Mon entourage aurait compris que je démissionne. Il pensait que je trichais alors que cette situation de placardisation m’était imposée par mon employeur. Pour moi, je vivais une bataille, ou mieux une situation que j’acceptais avec une contre-partie. J’aurai préféré de travailler à un poste sain et constructif, j’aurai préféré que mon poste soit supprimé, ou que je sois transféré à un poste de ma compétence. La situation s’étant dégradée avec cette placardisation, j’ai pensé qu’il fallait que j’accepte cette situation car au final elle me convenait : car je me remboursais des difficultés que mon employeur me créait. Mon employeur était informé de cette placardisation et l’assumait. Pour mon entourage social et amis, je profitais de la situation. Pour moi, c’était un « dédommagement » dont les fruits me convenaient bien.
Est-ce juste ?
Réponse:
parfaitement juste. J’étais content d’avancer avec cette situation. C’est un « contrat » qui me convenait. Mon employeur me mobbait en me placardisant, et moi, je me remboursais.
Quelles ont été ensuite les conséquences de votre placardisation sur votre vie ?
Réponse:
J’en ai souffert certes, en contrepartie j’ai pu réaliser un nombre important de projets personnels. Je suis quitte. Ensuite, j’ai dénoncé cette situation publiquement afin que cela puisse servir aux employeurs : ne placardisez pas vos employés. Utilisez d’autres méthodes afin de résoudre les conflits au travail : fixation d’objectifs, avertissements, suppression de poste, licenciement avec indemnités prévues dans la lois, etc.
Trouvez-vous que vous avez sacrifié quelque chose de votre existence en ayant opté de vous « rembourser » ?
Réponse:
Non. J’ai accepté le combat et j’ai retiré ce que j’estimais être un avantage pour moi.
Que pensez-vous faire avec ce qui vous est arrivé ?
Réponse:
le faire savoir afin que cette expérience puisse servir à d’autres personnes et entreprises publiques ou privées.